COLETTE. | Mes apprentissages. Ce que Claudine n'a pas dit.

COLETTE.

Mes apprentissages. Ce que Claudine n'a pas dit.

Paris Ferenczi 1936

in-8, demi-maroquin à gros grain noir, dos lisse, plats de papiers marbré de tonalités bleu et jaune moutarde, doublures de papier bleu, gardes de papier jaune moutarde, tête dorée, non rogné, couvertures et dos conservés (Honnelaître), 218 pp., nombreuses planches hors-texte. Edition originale. Un des 80 exemplaires hors commerce numérotés sur simili japon de couleur imprimés spécialement pour l'auteur, celui-ci de couleur crème et enrichi d'un envoi autographe signé de Colette au critique Gérard Bauër. Exemplaire par ailleurs truffé en tête d'ouvrage d'une lettre autographe signée adressée à l'écrivain et journaliste Henri Bauër (2 p. et demies in-8 sur papier bleu - Paris, 29 septembre 1900, avec enveloppe) et en fin d'ouvrage d'une carte autographe signée adressée à Catulle Mendès (2 p. in-32, obl., s.l.n.d.). Très bel exemplaire. Cinq ans après la mort de Willy, Mes apprentissages vient mettre un terme définitif à la guerre que se livraient par voie de presse, depuis près d’un quart de siècle, les ex-époux Gauthier-Villars.Apprenant en 1909, la vente des droits des Claudine aux éditeurs, au profit exclusif de Willy (seul signataire « officiel » des livres et des contrats), Colette se rebiffe et réclame que soit reconnue sa part dans l’écriture de ce qui fut longtemps le plus gros succès éditorial de la Belle Époque. Mais quelle part exactement ? C’est sur ce point, et sur quelques autres, que les deux anciens collaborateurs s’opposent. Les premiers manuscrits ayant disparu, chacun convoque ses témoins (amis, auteurs, éditeurs ou typographes…) et use de sa notoriété pour alimenter la gazette littéraire. La Première Guerre mondiale avait semblé éteindre la querelle, mais la publication des Souvenirs littéraires… et autres de Willy en 1925, puis, surtout, quelques semaines après sa mort, des « Willyana », ces commentaires en forme de révélation qu’il avait inscrits à la demande de Jules Marchand, le directeur de la revue Sur la Riviera, en tête des exemplaires des quatre Claudine (voir n°96), avaient piqué au vif la principale intéressée. Mes apprentissages est en quelque sorte la réponse de la bergère au berger.La vengeance étant, on le sait, un plat qui se mange froid, le texte est d’abord publié dans Marianne, sans doute à la demande de son directeur Emmanuel Berl, du 16 octobre au 18 décembre 1935, avant de paraître chez Ferenczi au mois de janvier 1936, illustré de nombreuses photographies « à charge » et accompagné d’un sous-titre éloquent : « ce que Claudine n’a pas dit ». C’est une véritable mise à mort littéraire posthume. Maladivement impuissant, menteur, infidèle, tyrannique et peut-être même violent, Willy dont la gloire passée était déjà oubliée est définitivement enterré. Pour la postérité, il ne sera plus désormais que ce « vieux salaud » qui avait exploité le talent des autres, à commencer par celui de son épouse.Mais on se tromperait en ne voyant dans cet ouvrage qu’un ultime règlement de compte. En se replongeant dans ses années d’apprentissages, Colette retrouve les figures d’un passé suffisamment éloigné pour inspirer aux lecteurs une forme de nostalgie. Sous sa plume revivent avec force et vivacité celles et ceux qu’elle a côtoyés : Caroline Otero, Polaire, Mata-Hari, Marcel Schwob, Jean Lorrain ou bien encore Claude Debussy… À moins que cédant à une pente désormais familière à ses lecteurs elle ne retrouve les paysages de sa jeunesse et notamment ceux de sa Puisaye natale dont elle livre ici une des plus belles évocations.Certains proches du couple reprochèrent à Colette ce coup de griffe qui n’était peut-être pas tout à son honneur (c’était mal la connaître). Il est vrai que Willy n’en méritait pas tant et François Caradec a largement contribué à le montrer. Mais la gloire littéraire pour Colette était peut-être à ce prix : faire disparaître les fantômes qui erraient encore dans les coulisses, et, en faisant oublier Claudine, devenir Colette. Cet exemplaire dédicacé au critique Gérard Bauër – fidèle soutien de Colette qu'il rejoindra à l'Académie Goncourt – est truffé de deux très rares lettres de jeunesse qui prennent ici un tour ironique. Dans l’une, adressée le 29 septembre 1900 au journaliste Henry Bauër, le père de Gérard Bauër, comme dans l’autre écrite en 1893 à Catulle Mendès, un ami proche du couple, celle qui signe déjà « Colette » endosse sans déplaisir apparent le rôle de « secrétaire de mon mari ». Au premier, elle tient à défendre la probité de Willy en lui adressant un fragment de son article écrit après la première du Rêve d’Alfred Bruneau d’après le roman d’Émile Zola et avec la collaboration de ce dernier. La création à l’Opéra-Comique en 1891 fut un événement considérable largement relayé par la presse. Si Henry Bauër avait salué la naissance « d’un art national et nouveau », Willy, quant à lui, avait accueilli l’œuvre à grand renfort de jeux de mots et de calembours qui étaient sa marque de fabrique. S’adressant au critique qui avait sans doute rappelé cette opposition de Willy, près de dix ans après la création – et en pleine affaire Dreyfus –, Colette tient à sauver l’honneur de son époux et s’excuse « d’avoir assez de jeunesse pour tenir, par dessus tout, à l’honnêteté littéraire de mon mari. Cette jeunesse-là à défaut de l’autre qui défaille si vite, persistera »... Au second, Catulle Mendès, elle présente les excuses de Willy de n’avoir pu assister « à la tournée sur le zinc des Menus-plaisirs », le théâtre (aujourd’hui théâtre Antoine-Simone-Berriau) où avait été créé, le 2 avril 1893, le mimodrame Le Docteur Blanc sur une musique de Gabriel Pierné : « je vous conjure de nous offrir le mêlé-cass du pardon, à la prochaine fête de l’intelligence ». Ces deux lettres offrent un contrepoint savoureux à la version du mariage donnée dans Mes apprentissages… (Notice de Frédéric Maget pour le catalogue de la collection Colette des Clarac)
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