
MAGRITTE (René).
Dessin original signé "Mag", crayon gras anthracite sur papier fort vergé (32 x 24.5 cm), sans date (vers 1948).
Dessin érotique inédit de Magritte, représentant une femme nue entourée de deux hommes dotés de gigantesques pénis. En l'absence de date, le style souple et rapide du tracé et liconologie évoquent à la fois la période « Renoir » du peintre et celle plus caricaturale dite « vache » des années 1940. Comme dans Les Profondeurs du plaisir et Le Galet datant de 1948, Magritte passe dun érotisme allusif et poétique à un érotisme explicite et prosaïque dans un univers réduit au corps et à sa dimension charnelle et matérielle, à contre-courant de la peinture mentale, philosophique et métaphysique dautrefois. La composition, avec le profil de la femme au visage légèrement incliné serrant le sexe contre elle, s'apparente une ébauche des Profondeurs du plaisir où le peintre a remplacé le phallus par un gigantesque pion d'échec.Destiné à un domaine privé et amical qui autorise lobscénité et la gaieté, le dessin est accompagné d'un poème autographe de Louis Scutenaire, intitulé "Tarif blanc", où cette jouissance de l'excès figurée par le priapisme des personnages se traduit par lanaphore en « plus » et par lénumération exclamative de termes licencieux et argotiques. Un ton et des images quon retrouve dans dautres poèmes de Scutenaire comme par exemple "Hommage à un peintre", dans Frappez au miroir de 1939 illustré par Magritte, et surtout dans la préface irrévérencieuse "Les Pieds dans le plat" écrite pour lexposition à Paris de 1948 de son ami « Mag », sobriquet employé pour et par les amis. Ici aussi il est question de « brun », de « foutre » et de « fesses »...Cette oeuvre croisée réunissant le crayon de l'artiste et la plume du poète est un témoignage exceptionnel - à notre connaissance unique - de la complicité de Magritte avec son exégète Scutenaire qui lui inspira nombre de titres de tableaux. Il n'est pas anodin non plus de préciser qu'elle a été réalisée en troisième de couverture du tiré-à-part d'un texte de Paul Eluard paru dans le numéro 10 de la revue Minotaure (hiver 1937) et intitulé Premières vues anciennes, dans lequel l'écrivain dresse une rétrospective de la poétique surréaliste en multipliant les références et les citations, au nombre desquelles figure René Magritte. Or ce rare tiré-à-part porte aussi une dédicace autographe signée d'Eluard à Ernest Moerman, écrivain et cinéaste belge, qui venait de réaliser le court-métrage surréaliste Monsieur Fantômas. Entre farce et tragédie, humour et poésie, le réalisateur narre lamour impossible de Fantômas pour Elvire, et il inclue dans le montage des oeuvres originales dEluard (Capitale de la douleur) et de Magritte (Le Viol).Il est indéniable que cette plaquette a été offerte par Eluard en signe de reconnaissance dans une logique de don et contre-don pour lhommage reçu dans le film. De la même façon, le dessin de Magritte complète la dédicace dEluard, réunissant dans les mêmes pages le poète et le peintre si déterminants pour la poétique du film de Moerman qui traversera comme un météore la galaxie surréaliste. On ne sera donc guère étonné si le sujet repropose la pulsion sexuelle et le désir au cur de lhistoire du court-métrage trahissant, sous une apparente légèreté, le risque dun épilogue grotesque. Mais pourquoi l'intervention de Magritte et de Scutenaire ne s'accompagne-t-elle pas d'une dédicace ? En raison de son caractère érotique, voire pornographique ? Ou bien parce qu'elle a été réalisée après la mort de Moerman en 1944, et la dispersion probable de sa bibliothèque ? Ces circonstances et la proximité du style et de l'inspiration avec la période "vache" (1948) à laquelle Scutenaire est étroitement lié, permettent donc de dater l'oeuvre de la seconde moitié des années 1940.Témoignage dun surréalisme désormais sans frontières géographiques et artistiques, des relations entre Eluard, Moerman et Magritte, mais aussi de la complicité entre le peintre et son ami Scutenaire dont le crayon et la plume se rencontrent ici de manière exceptionnelle, ce document est dune extrême rareté et en parfaite conservation si lon exclut une petite tache rouge dans la marge inférieure de la page 49. Un certificat dauthenticité délivré par le Comité Magritte en novembre 2023 sera remis à lacquéreur.
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