GIDE (André).
Philoctète - Le Traité du Narcisse - La Tentative amoureuse - El Hadj.
Paris Mercure de France 1899
in-8, demi-maroquin à gros grain bleu canard à coins, dos à nerfs, plats de papier marbré bleu et or, tête dorée, non rogné, couvertures et dos conservés (Semet & Plumelle), 176 pp. Édition originale de « Philoctète » et de « El Hadj ». « Le Traité du Narcisse » et « La Tentative amoureuse » avaient déjà paru antérieurement, en 1891 et 1893 [Naville 37]. Un des 300 exemplaires numérotés sur vergé d'Arches (seul tirage après un exemplaire unique sur Japon), celui-ci enrichi dun envoi autographe signé de l'auteur au journaliste Henri Mazel (1864-1947), directeur de 1891 à 1895 de la revue L'Ermitage à laquelle collabora André Gide. Ex-libris du bibliophile suisse Albert Natural à la devise « Rerum natura creatrix ». Cette édition porte pour la première fois, en quatrième de couverture, le trèfle à quatre feuilles qui personnalise les parutions de Gide au Mercure de France.Cest dans le contexte de laffaire Dreyfus que Gide achève à lété 1898 Philoctète, courte pièce à 3 personnages et en 5 actes. Après lacquittement dEsterhazy et le « Jaccuse » de Zola du 13 janvier 1898, lécrivain rejoint finalement le camp des dreyfusards en adhérant à la protestation des intellectuels qui réclament la révision complète du procès. Gide use dun conte de Sophocle pour transposer les débats moraux qui déchirent le pays. Dans sa note bibliographique (n° X), il annonce : « Paru en 1899 Philoctète ou le traité des trois morales où chacun des trois personnages, Philoctète, Ulysse et Néoptolème, incarne et expose les trois formes de dévouement altruiste, patriotique ou mystique ».Alors quil naviguait vers Troie, Philoctète, vaillant compagnon dUlysse, est blessé par un perfide serpent. Ses cris menaçant de désespérer léquipage, il est débarqué sur une île déserte. La pièce débute alors quUlysse, accompagné de Néoptolème, fils dAchille, revient sur lîle pour récupérer larc et les flèches dHercule, qui avaient été laissés à Philoctète. Si le pur Néoptolème répugne à la ruse pour voler larme nécessaire à la victoire des Grecs, Ulysse réplique : « la patrie nest-elle pas plus quun seul ? Et souffrirais-tu de sauver un seul homme sil te fallait pour le sauver perdre la Grèce ? » (p. 19) Cet échange fait directement écho aux débats de lépoque : linnocence de Dreyfus doit-elle être sacrifiée pour la réputation et lunité de larmée et du pays ?Le livre gagne ainsi son sous-titre de « traité des trois morales » : celle patriotique dUlysse, pour qui la défense de lEtat justifie de tous les moyens, celle mystique de Néoptolème confrontée aux compromissions de la vie, celle du dévouement altruiste de Philoctète, qui sublime le conflit entre Ulysse et Néoptolème ; il boit en toute connaissance de cause le narcotique quon lui tend, et se laisse dérober les armes. « De tous les dévouements, le plus fou cest celui pour les autres, car alors on leur devient supérieur. » (p. 61)Dans ce volume figure également lédition originale dEl Hadj, paru dans la revue du Centaure en septembre 1897, parfaite expression du Gide symboliste.
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